Nouvelle instance introduite par la Russie contre les Pays-Bas et l'Australie devant la Cour internationale de Justice - Affaire du vol MH17
19 septembre 2025

Jeudi 18 septembre, la Russie a introduit une requête devant la Cour internationale de Justice (CIJ) contre l’Australie et les Pays-Bas, par laquelle elle fait appel d’une décision du Conseil de l'OACI dans l'affaire du vol MH17 de la Malaysia Airlines[1].
Le vol MH17, abattu le 17 juillet 2014 par un missile russe au-dessus de l’est de l’Ukraine, avait causé la mort des 298 personnes à bord. Après plusieurs enquêtes, les Pays-Bas et l'Australie ont saisi l'Organisation de l'aviation civile internationale en vue d'une indemnisation. En mai 2025, le Conseil de l'OACI a décidé que la Russie n'avait pas respecté ses obligations en vertu du droit aérien international, et en particulier l'article 3bis de la Convention de Chicago (les États "s'abstiennent de recourir à l'emploi d'armes contre des aéronefs civils en vol"). C'était la première fois que le Conseil de l'OACI se prononcait sur le fond d'un différend entre États membres dans le cadre du mécanisme de règlement des différends de l'Organisation.
Sur le fond, la Russie conteste devant la CIJ la décision du Conseil de l’OACI du 12 mai 2025. Elle allègue en particulier que la Convention de Chicago (en vertu de son article 89) ne s’applique pas aux situations de conflits armés, et que le crash du MH17, survenu dans un contexte de guerre en Ukraine, ne relève donc pas du champ de la convention et de la compétence du conseil. La Russie conteste, subsidiairement, le raisonnement du Conseil s'agissant de l'applicabilité de l'article 3bis (interdiction de recourir à l’emploi des armes contre les aéronefs civils en vol) et se plaint également d'un défaut de preuve de sa responsabilité, des biais des enquêtes menées au sein ou avec le soutien d'États hostiles (Pays-Bas, Australie, Ukraine), de la partialité du Conseil de l’OACI, de l’absence de motivation juridique suffisante de la décision finale, ou encore de l'absence de transmission du procès verbal de la séance du Conseil de l'OACI où la décision finale a été prise, contrairement à ce que prévoient ses règles de procédure.
Au-delà du fond, il s'agit d'une belle illustration des possibilités offertes par le droit international. Les "néo-négateurs" du droit international, qui s'échinent de nos jours à répéter qu'il n'existe pas car il est effectivement piétiné par quelques États unilatéralistes (ce qui a des conséquences effroyables, compte tenu des violations dont il est question), auront bien du mal à expliquer ce qui s'explique pourtant aisément. La Russie a décidé d'utiliser elle aussi les armes du droit international : loin de l'ignorer sur tous les terrains, elle en promeut une application sélective et fait avancer ses interprétations dans les instances où elle le peut. En témoignent les demandes reconventionnelles qu’elle a formulées, non sans un certain retard au démarrage, dans l'affaire Ukraine c. Russie [2] le 18 novembre 2024, tout comme cette nouvelle affaire dans laquelle la Russie se bat strictement sur le terrain du droit.
Alors que la Russie a perdu "son" juge à la CIJ en 2023 et est largement tombée en disgrâce depuis 2022, il s'agit de jouer là où elle le peut encore (ou de nouveau) la carte de l'État d'apparence raisonnable, respectueux des enceintes internationales et de la symbolique qui y est associée...contrairement à d'autres États qui s'en affranchissent, actuellement, plus ouvertement. Alors même que la Russie opère actuellement des provocations répétées en violant l'espace aérien de plusieurs membres de l'OTAN, la procédure ne manque pas d'ironie, mais ainsi va la vie des relations internationale : une tension permanente entre d'un côté l'invocation du droit international à des fins juridiques mais aussi politiques et communicationnelles, et d'un autre côté les actions pragmatiques d'États unilatéralistes qui "testent" plus que jamais la résistance de ce qui reste du multilatéralisme.
Notes
[1] Instance introduite par la Fédération de Russie contre le Commonwealth d'Australie et le Royaume des Pays-Bas le 18 septembre 2025, à retrouver en ligne : https://www.icj-cij.org/fr/affaire/201
[2] Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie), à retrouver en ligne : https://www.icj-cij.org/fr/affaire/182